Étude des réseaux trophiques

Dans le cadre de l’établissement de l’état de référence environnemental du parc éolien en mer de Dieppe Le Tréport, le GIS Éolien en Mer a lancé un Appel à Projets pour la réalisation d’une étude sur les réseaux trophiques. C’est un consortium de plusieurs laboratoires, coordonné par Jean-Philippe Pezy de l’Unité Mixte de Recherche (UMR) 6143 Morphodynamique Continentale et Côtière (M2C), qui a remporté cet Appel à Projets.

Contexte : Les réseaux trophiques et leur étude

Les réseaux trophiques sont l’ensemble des chaînes alimentaires d’un écosystème, reliées entre elles. Les différentes espèces présentes constituent un maillon du réseau en tant qu’espèce productrice ou consommatrice. De manière simplifiée, un réseau trophique peut être représenté par une succession de niveaux trophiques allant des producteurs primaires, aux consommateurs intermédiaires, puis aux prédateurs supérieurs. En réalité, et notamment dans le milieu marin, ces réseaux peuvent être complexes et évoluent en fonction du stade de vie des espèces, du cycle journalier, de la saison etc. Il existe aussi un certain continuum spatial entre des réseaux trophiques proches, par exemple entre un réseau pélagique (situé dans la colonne d’eau) et un réseau benthique (situé sur le fond).

Représentation simplifiée d’une chaîne alimentaire marine (Schéma : A. Michel, Station Biologique de Roscoff)
Schéma d’un réseaux trophique marin obtenu après modélisation (Schéma : Jean-Philppe Pezy)

L’étude des réseaux trophiques permet de mieux connaître un écosystème dans sa globalité et les relations entre les espèces qui le constitue. Ce type d’étude passe par l’estimation des biomasses des espèces des différents niveaux trophiques, des flux entre ces niveaux et leur évolution saisonnière. Cela nécessite des analyses spécifiques incluant l’analyse du contenus stomacaux des poissons, des analyses en isotopes stables et l’étude des relations entre les proies et les prédateurs supérieurs.

Les analyses en isotopes stables du carbone et de l’azote sont effectuées sur tous les compartiments biologiques. Les isotopes stables du carbone et de l’azote sont des traceurs écologiques qui sont intégrés dans les tissus d’un organisme directement via son alimentation. Le rapport isotopique du carbone est un marqueur efficace des sources de nourriture primaire des consommateurs et ainsi utilisé comme traceur des zones d’habitat et/ou d’alimentation. Le rapport isotopique de l’azote lui augmente le long des chaînes trophiques et est donc un indicateur du niveau et des relations trophiques d’un organisme au sein d’une chaîne alimentaire.

Chaîne trophique en environnement marin illustrée par l’enrichissement des isotopes stables du carbone et de l’azote. Le facteur d’enrichissement (en rouge) généralement estimé entre une source et son consommateur est indiqué pour chaque élément : le carbone à l’horizontale et l’azote à la verticale. (Schéma : Jean-Philippe Pezy)

De plus, concernant la ressource halieutique (poissons), des individus sont utilisés pour analyser leurs contenus stomacaux. Pour la mégafaune, principalement représentée par les mammifères et oiseaux marins, une étude bibliographique est utilisée pour définir les profils alimentaires et proies potentielles des espèces. Elle peut être complétée par une étude des relations entre les proies et les prédateurs supérieurs en mer. Cette double approche complémentaire, isotopes stables et contenus stomacaux ou profils alimentaires, permet d’affiner les résultats sur ces compartiments supérieurs des réseaux trophiques.

A terme, les données récoltées sont utilisées pour la réalisation de modèles trophiques à l’aide d’outils mathématiques. Ces modèles permettent de simuler l’évolution des réseaux trophiques à la suite de l’application d’un ou plusieurs facteurs impactant (changement dans la température, l’acidité de l’eau, apparition d’un nouveau substrat, etc.).

Objectif de l’étude des réseaux trophiques dans le cadre de la construction d’un parc éolien en mer

Dans le cadre de la future implantation du parc éolien en mer de Dieppe Le Tréport, connaître les réseaux trophiques présents dans la zone avant construction permettra d’évaluer l’impact de celle-ci sur l’écosystème. Si des espèces venaient à quitter la zone ou si des espèces nouvelles s’implantent, en lien avec l’arrivée de nouveaux substrats que sont les fondations d’éoliennes, les réseaux trophiques vont être impactés et vont se réorganiser.

Le consortium ayant remporté l’Appel à Projets du GIS est composé des laboratoires, associations et entreprises suivantes :

Réseau trophique simplifié représenté avec les différents acteurs impliqués dans le projet (Schéma : Jean-Philippe Pezy)

Ce consortium va baser son étude sur des données concernant tous les compartiments biologiques récoltées pendant la thèse de Jean-Philippe Pezy dans le cadre de l’étude de l’état initial environnemental (2014-2017) et sur les données récoltées pour l’état de référence du parc (2022-2023). Ces données vont être complétées par des prélèvements permettant des analyses spécifiques à l’étude des réseaux trophiques : contenus stomachaux des poissons, analyses en isotopes stables et étude des relations entre les proies et les prédateurs supérieurs.